Monogram Robert Rauschenberg : une œuvre engagée entre art et écologie

Quand l’art se mouille pour la planète : Monogram de Rauschenberg

Si je vous dis “peinture”, vous pensez sans doute à paysages bucoliques, portraits sérieux ou même graffitis urbains. Mais si je rajoute “chèvre empaillée”, “pneu de voiture” et “engagement écologique implicite”, là… vous me regardez d’un œil un brin perplexe, non ? Et pourtant, derrière cette drôle de combinaison se cache l’une des œuvres les plus marquantes du XXe siècle : Monogram de Robert Rauschenberg. Un chef-d’œuvre complexe, un brin provocateur, qui pose de vraies questions sur nos rapports à la nature, à la consommation et à l’héritage de notre société. Allez, on vous embarque pour en décortiquer les subtilités… et en tirer quelques leçons vertes à notre sauce !

Un artiste, une époque, un gros coup de pinceau dans les idées reçues

Robert Rauschenberg, c’est un peu ce trublion génial de la scène artistique américaine des années 1950-60. À une époque où l’art abstrait règne encore en maître aux États-Unis, il secoue les conventions en intégrant dans ses œuvres des objets du quotidien, de la ferraille, du tissu, des journaux ou des animaux naturalisés (oui, on y revient à cette chèvre).

Quand il crée Monogram entre 1955 et 1959, il a déjà une idée bien trempée : casser la barrière entre art et vie. Pas de cadres dorés ni de peinture à l’huile “bien sage” chez Rauschenberg. Lui, il invente les “Combine Paintings”, une forme hybride mêlant peinture, sculpture et collage d’éléments réels. Le tout avec une énergie débordante et une curiosité sans bornes.

Mais que vient faire l’écologie là-dedans ? Petit spoiler : plus qu’on ne le croit.

Une chèvre, un pneu et un message dans le capharnaüm

Revenons à Monogram. Il s’agit d’une chèvre angora empaillée (fichée littéralement dans un vieux pneu), posée sur un assemblage de toiles barbouillées, grattées, recouvertes de collages. Le tout monté sur une plateforme avec des roulettes. Dit comme ça, ça sonne comme un bricolage post-apéro entre copains hippies. Et pourtant, il y a derrière cet objet improbable une charge symbolique puissante.

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La chèvre, souvent symbole de nature sauvage et indomptée, se retrouve ici figée, prisonnière d’un pneu, lui-même résidu de l’ère industrielle naissante. L’animal empaillé, autrefois vivant et libre, devient un musée miniature de notre rapport ambivalent à la nature : admire-t-on ou possédons-nous ? Respecte-t-on ou réduisons-nous au silence ?

Rauschenberg ne prend pas la tangente écologique de manière frontale. Mais son art —et cette œuvre en particulier— contient déjà une critique sous-jacente de notre monde matérialiste, de notre propension à tout accumuler, recycler (ou pas), jeter, sans trop se poser de questions.

Difficile de ne pas y voir une réflexion prémonitoire sur la société de consommation et son impact sur nos écosystèmes.

Des déchets comme déclaration politique

L’utilisation directe d’objets trouvés dans la rue ou repêchés dans la benne du coin (ce que Rauschenberg adorait faire, soit dit en passant), c’est déjà en soi un acte écolo avant l’heure. Pas seulement parce qu’il évite de nouveaux achats —même si l’idée du réemploi n’a jamais été aussi tendance qu’aujourd’hui— mais parce qu’il interroge leur place dans notre quotidien.

Le choix du pneu, par exemple, n’est pas anodin. Symbole de mobilité, de consommation de masse et de pétrole, il devient l’axe central de cette œuvre. Rauschenberg le détourne de sa fonction première pour le faire devenir support d’art… et cage pour une pauvre bête figée. Tout un programme, non ?

Difficile alors de ne pas dresser un parallèle avec ce que nous tentons aujourd’hui de faire dans nos modes de consommation : redonner du sens, du cycle, de la cohérence. Ce qu’il fait avec son art, nous essayons —nous aussi à notre échelle— de le reproduire en réutilisant, compostant, réparant ou simplement en refusant de trop consommer.

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Et si on créait à partir de ce qu’on a ?

La démarche de Rauschenberg tient presque du manifeste “DIY écolo” avant l’heure. Il transforme les déchets d’une société en symboles puissants, en les reconfigurant avec ses mains, son intuition, son vécu. Et rien que ça, c’est profondément inspirant.

Cela fait penser aux démarches de groupes comme Les Ressourceries ou les ateliers de création récup’ qui fleurissent aujourd’hui un peu partout en France. On y apprend à transformer des palettes en meubles, des vieilles fringues en tote-bags ou des bocaux en lampes. L’artisanat devient alors un outil de changement de regard sur nos déchets —et aussi, disons-le, un vrai plaisir créatif.

Peut-être que l’une des meilleures leçons qu’on peut tirer de Monogram, c’est donc celle-ci : « On peut transformer notre monde avec ce que l’on a déjà sous la main. »

Une œuvre qui ose la dissonance

Par son aspect chaotique et son absence de « joli cadre », Monogram ne cherche pas la beauté conventionnelle. Elle dérange. Elle choque même parfois. Mais elle fait parler. Et en écologie aussi, nous avons besoin de cette dose de dissonance. Sortir du confort visuel ou intellectuel. Se laisser perturber pour mieux avancer ensuite.

Cette démarche artistique est un peu comme ces documentaires qui nous ouvrent les yeux, ou ces chiffres qui nous bousculent (tu savais qu’on consomme aujourd’hui l’équivalent de 1,7 planète par an ? 😬). Et on le dit souvent sur ce blog : c’est dans l’inconfort que naît parfois le changement.

Rauschenberg ne nous livre pas de solution toute faite, mais il offre un miroir critique dans lequel nos contradictions sautent aux yeux. Et parfois, c’est tout ce qu’il faut pour enclencher un changement de cap.

Des artistes contemporains dans la même veine

Rauschenberg ne savait sûrement pas qu’il serait un précurseur d’une forme d’éco-art encore en émergence. Et pourtant… De nombreux artistes actuels ont repris le flambeau, redonnant une voix à la nature à travers leur art :

  • Nils-Udo : installe des œuvres directement dans les forêts ou les rivières, en utilisant uniquement des matériaux naturels.
  • Agnes Denes : connue pour sa « Wheatfield » à Manhattan, où elle a fait pousser un champ de blé en pleine ville.
  • Vik Muniz : crée des portraits et scènes entières à partir d’objets recyclés, notamment avec les habitants de décharges au Brésil.
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Autant d’exemples qui prouvent que l’art peut faire “compost” de nos émotions, réveiller nos consciences, et semer quelques graines pour demain.

Et nous dans tout ça ?

On ne vous demande pas de transformer votre salon en galerie d’art (quoique, qui ne rêverait pas d’une chèvre dans son salon 🤔 ?). Mais il est toujours bon d’observer comment l’art capte les tensions de son époque. Et aujourd’hui plus que jamais, celles liées à l’environnement méritent d’être exprimées, dans toutes les langues : scientifiques, politiques, poétiques… et artistiques.

Monogram nous invite, à sa manière, à ne pas détourner le regard. À remettre en question notre monde fait d’objets abandonnés, de gestes mécaniques et d’oubli du vivant. Ce n’est pas une œuvre simple. Mais c’est précisément ce qui en fait une pièce incontournable —et peut-être, un petit marqueur de nos prises de conscience collectives, bien avant que le mot “écologie” ne devienne mainstream.

Alors, la prochaine fois que vous croiserez un vieux pneu ou une chaise abandonnée sur le trottoir, demandez-vous : que ferait Rauschenberg ? Et peut-être que l’inspiration vous viendra… pour créer, détourner, ou simplement faire un pas de plus vers un monde où chaque chose a sa place, seconde, troisième ou même artistique.